Bibliothèque troisième lieu : quelles caractéristiques ?

Ray Oldenburg a établi une typologie présentant les caractéristiques du troisième lieu dans son livre The Great, Good Place

1- Un espace neutre et vivant : propice à un échange informe entre tous les membres de la communauté. Ces espaces agissent comme niveleur social où les individus se positionnent sur un même pied d’égalité.

2- Un lieu d’habitués : le troisième lieu agit comme un facilitateur social et permet de rompre la solitude ou de contrer l’ennui. Le troisième lieu offre un cadre confortable et douillet dans lequel les individus ont envie de séjourner.

3- Comme à la maison : véritable home away from home. Cinq éléments confortent le troisième lieu dans sa parenté avec le foyer : ancrage physique, sentiment d’appartenance, régénération du lien social, être soi-même et chaleur humaine.

4- L’œcuménisme social : l’individu en retire de multiples bénéfices personnels. Le troisième lieu est agrégateur de populations variées, il décuple les possibles de rencontres et génère une forme d’œcuménisme social.

5- Un cadre propice au débat : le troisième lieu revêt une fonction politique. Il encourage l’épanouissement de l’esprit démocratique en offrant un cadre propice à l’échange aux débats publics.

Oldenburg ne répertorie pas la bibliothèque au nombre des troisièmes lieux dans ses ouvrages. Un autre sociologue, Robert Putnam n’hésite pas à le faire en prenant l’exemple d’une des bibliothèques de Chicago. Il y voit un troisième lieu, un espace vibrant d’activités, un agent de changements.

Caractéristiques de la bibliothèque troisième lieu :

 1- Un ancrage physique fort : la bibliothèque troisième lieu engage un réel pari physique. Afin d’attirer en leurs murs des publics habituellement peu réceptifs, elle procède à une redéfinition de leur sémantique architecturale. Dans les ideastores londoniens ou les bibliothèques hollandaises, la palette de couleurs retenues, le confort, le design, voire l’excentricité, tranchent avec l’image austère parfois véhiculée par leurs aînées. De nombreux dispositifs introduisent de l’intime dans la bibliothèque et gomment les frontières entre sphère publique et privée. L’agencement des espaces prend davantage en compte la diversité des pratiques. Il se dégage de ces nouveaux établissements une ambiance stimulante et excitante.

2- Une vocation sociale affirmée : la bibliothèque troisième lieu propose à ses usagers des formes de vivre ensemble multiples, un cadre convivial propice au bien-être. Le confort physique et humain incite au prolongement du séjour et y introduit de nouveaux usages sociaux : parler, téléphoner, boire ou manger. Les cafés, de plus en plus présents, constituent des moteurs privilégiés de cette sociabilité. Pivots de la vie de la collectivité, ces établissements remplissent une mission citoyenne. Ils offrent des services à la personne (alphabétisation, formation, aide à la recherche pour l’emploi …) et entretiennent des partenariats privilégiés avec les associations, les écoles ou la presse locale.

3- La bibliothèque troisième lieu refuse d’être un lieu de prescription du savoir. Elle célèbre les dissonances culturelles, le voisinage de contenus, la diversité des supports culturels. Elle propose à l’usager une offre riche et variée sans hiérarchisation marquée.

4- Les goûts et les pratiques des usagers ont d’ailleurs une incidence directe sur la déclinaison des collections et des services proposés. L’usager se fait souvent co-créateur, producteur de contenus. Les pratiques collaboratives du Web 2.0 sont importées en bibliothèque : open podiums dédiés aux créations littéraires ou musicales (projet demotek en Europe du Nord). A Heerhugowaard, aux Pays-Bas, deux classes d’école primaires ont collaboré avec les architectes à la conception du bâtiment.

Bertrand Calenge, directeur des études de l’enssib : « La bibliothèque n’est plus un espace de stockage, mais un espace d’usages, un gisement ouvert rendu intelligent et actif par les bibliothécaires et avec le public ».

Mathilde Servet, chef de projet numérisation à la Bibliothèque nationale de France : « Il importe de s’inscrire en rupture avec un univers de la bibliothèque, ressenti comme parfois trop institutionnel, trop formel ou trop austère, et d’évoquer un espace résolument positif, associé à l’amusement, au plaisir… »

Patrick Bazin (directeur de la Bibliothèque publique d’information Centre Pompidou) va encore plus loin et parle de la bibliothèque hyper – lieu, dans son article du 19 mai dernier présenté dans livreshebdo.fr : « L’offre de contenus doit se construire à l’interface d’un savoir constitué, dont le bibliothécaire hérite par de multiples canaux institutionnels, et des horizons d’attente de divers usagers. Mieux, elle suggère que les formes de la médiation (l’environnement, l’accueil, l’accompagnement) font partie du contenu … »

Si vous souhaitez approfondir : 

Concevoir et construire une bibliothèque [Texte imprimé] : du projet à la réalisation / Ministère de la culture et de la communication, Direction générale des médias et des industries culturelles, Service du livre et de la lecture ; sous la direction de Laure Collignon et Colette Gravier ; préface de Nicolas Georges,…
Paris : Éd. « Le Moniteur », DL 2011

Bibliothèques d’aujourd’hui [Multimédia multisupport] : à la conquête de nouveaux espaces / sous la direction de Marie-Françoise Bisbrouck ; préface de Daniel Renoult. – Paris : Éd. du Cercle de la librairie, DL 2010
Accueillir, orienter, informer [Texte imprimé] : l’organisation des services aux publics dans les bibliothèques / par Bertrand Calenge.- 2e éd. rev. et mise à jour
Paris : Éd. du Cercle de la librairie, 1999


3 réponses à “Bibliothèque troisième lieu : quelles caractéristiques ?

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    Tout pour vous plaire!

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